Le destin de Foujita était de naître Japonais et de mourir Français.
Le destin de son art est d'être, pour la postérité, ce trait d'union parfait entre l'art de l'Orient et celui de l'Occident.
Il y a longtemps que j'avais envie d'aller y faire un tour. En cette belle journée d'automne, nous avons donc enfourché la moto et sommes partis à Villiers-le-Bâcle visiter la demeure de Foujita transformée en musée comme il l'avait souhaité. C'est ici qu'à la fin de sa vie, il s'était retiré de l'effervescence du monde parisien. Il y vécut de 1960 à 1968. Emouvant de voir son atelier et son dernier foyer. Tout est resté dans son jus.
Foujita, le dandy.
Arrivé à Paris avant la première guerre mondiale, l’élégant Tsuguharu Foujita a connu les années folles. Il a développé un style unique, peignant en noir et blanc avec un pinceau fin.
Il est une figure des nuits de Montparnasse, il y joue le dandy. A l'orée des années 1920, Paris veut oublier la Grande Guerre et ne veut pas voir les périls qui montent.
Les « Montparnos » vivent une euphorie sans précédent. Lucie Badoud n'a pas 20 ans quand Foujita l'aborde à la Rotonde, en 1922. Le jour de son anniversaire, il lui offre une voiture décapotable dont le bouchon de radiateur est un bronze de Rodin. Sa blancheur de peau inspire à Foujita un prénom : Youki, «neige» en japonais. Elle devient son modèle favori, il n'a de cesse de l'observer, de la portraiturer, de la fixer sur pellicule. Elle lui inspire ses plus beaux nus.
Foujita, le peintre.
Mais Foujita est avant tout un «artiste total», qui ne cesse de travailler. Il dit ne dormir que cinq heures, grâce au climat sec de Paris. Dans son atelier de la rue Delambre, puis au square Montsouris, il confectionne ses costumes, crée sa vaisselle, filme et photographie, tout cela au service de sa peinture. A travers ses autoportraits répétés, Foujita jette un regard impassible et indéchiffrable sur le monde.
Foujita élabore un dessin préparatoire sans repentir. Chez lui, l'essence du modèle est dans le trait : «Le trait est vivant. Et l'intervalle qui s'installe dans l'entre-deux, le vide que les lignes ménagent entre elles, est un élément constituant du trait et de l'œuvre. Il s'agit du ma, concept esthétique qui régit l'art japonais depuis toujours, auquel Foujita ne déroge jamais». Désireux de «représenter la qualité de la matière la plus belle qui soit, celle de la peau humaine», il s'est approprié un nouveau genre, le nu, absent de la peinture japonaise.
Sa technique sur toile est unique. Son atelier est un espace de travail solitaire. Jaloux de ses secrets, en particulier de ses fonds blancs, il laisse très peu de personnes l'approcher.
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