JC Duval
Intrication Quantique
„ La meilleure connaissance d'un tout n'implique pas la meilleure connaissance de ses parties - et c'est ce qui ne cesse de nous hanter."
Erwin Schrödinger (1887 – 1961)
Nous avons vu qu'il est possible de combiner les états d’un système pour obtenir d’autres états ce qui nous a amené au constat troublant que l'état d'un système combiné n'a pas de valeur bien définie. Sachant que l’état d’un système ne peut se révéler qu'au travers d'une mesure - pour un système binaire : Es-tu dans l’état A ou es-tu dans l’état B ? - la mesure retourne la valeur de l'un ou l'autre des états de la combinaison et force le système à apparaitre dans l'état qui correspond à la valeur retournée. La mesure vient casser le déterminisme auquel nous a habitué la nature en nous obligeant à reconnaitre que le choix de l’état - A ou B - est aléatoire et que sa fréquence d'apparition dépend des coefficients de la combinaison linéaire.
Nous avions également insisté sur le fait qu'à tout instant un système est caractérisé par un état unique, même s'il n'a pas de valeur bien définie.
Après s'être intéressé à un système isolé, nous allons à présent regarder le comportement de différents systèmes mis ensemble et la quantique va encore nous obliger à un constat plus que troublant.
Elle nous révèle que dans certaines situations suite à leur association, les systèmes que l'on rapproche n'ont pas d'état bien défini.
Association de 2 systèmes
L'association de plusieurs systèmes - que l'on appellera sous-systèmes - est encore un système.
On se limitera à l'association de deux sous-systèmes binaires, sachant que le principe est généralisable à tout ensemble qui serait composé d’une multitude de sous-systèmes chacun ayant une multitude d’états combinés.
Comme nous l’avons vu, le principe de superposition nous dit que l’état de chaque sous-système peut se décliner en une combinaison d’états :
• Etat du 1er sous-système
Ψ1 = aA+bB (combinaison de A et B)
• Etat du 2eme sous-système
Ψ2 = cC+dD (combinaison de C et D)
Si on fait interagir ces deux sous-systèmes, l'état du nouveau système s’écrit :
Ψ1+2 = Ψ1⊗Ψ2 = (aA+bB)⊗(cC+dD) soit par distributivité,
acA⊗C+adA⊗D+bcB⊗C+bdB⊗D (1)
L'association des deux sous-systèmes établit une dépendance entre les états de la combinaison linéaire. L’état d’une telle association est dit séparable ou encore factorisable.
Si on réécrit (1) sous la forme Ψ1+2 = X1A⊗C+X2A⊗D+X3B⊗C+X4B⊗D on voit qu'il y a une relation particulière ☞ X1 * X4 = X2 * X3 = abcd
Par exemple, l’état suivant :
Ψ1+2 = 3A⊗C+A⊗D+6B⊗C+2B⊗D
est issu de l'association des deux sous-systèmes ayant les états suivants :
• Etat du 1er sous-système binaire
Ψ1 = A+2B
• Etat du 2ème sous-système binaire
Ψ2 = 3C+D
• Etat issu de l'association des 2 sous-systèmes
Ψ1+2 = (A+2B)⊗(3C+D) = Ψ1⊗Ψ2
>> L’état du système est factorisable.
Mais... et c’est encore là toute la réalité révélée par la mécanique quantique, il existe beaucoup d’autres possibilités pour construire un des états d'une telle association. D’ailleurs même si elles sont indénombrables, ces possibilités sont majoritaires.
De manière générale, si on fait interagir les deux sous-systèmes - Ψ1 comme la combinaison des états A et B et Ψ2 la combinaison des états C et D - on peut décrire l’ensemble des états possibles d’une telle construction comme la combinaison linéaire suivante
Ψ1+2 = αA⊗C+βA⊗D+γB⊗C+δB⊗D sans relation particulière entre α, β, γ et δ.
Prenons l'exemple de l’état suivant : Ψ1+2 = A⊗C+3B⊗D (avec α=1, β=0, γ=0, δ=3). Cet état est aussi un état du système, bien qu’il ne corresponde à aucun état issu de l'association des 2 sous-systèmes tel que décrit en (1).
Bien qu’il ne soit pas factorisable, cet état est bel et bien un état. Désolé d’insister, mais il faut considérer cet état comme un état à part entière même s’il ne fait pas partie de l’ensemble des états possibles issus de l’association des 2 sous-systèmes. La MQ nous le «dit».👌
Intrication
Lorsqu’un tel système est dans ce type d’état, on dit qu'il est intriqué.
On ne doit même plus discerner les deux sous-systèmes, le système forme un tout et son état le caractérise en propre. Cet état ne peut pas être factorisé. L’état d'un système intriqué est non séparable.

Il y a un état pour le système global mais il n'y a pas d'état bien défini pour chacun des sous-sytèmes.
Au niveau quantique, l’ensemble des états possibles d’un système est plus grand que l’association de l’ensemble des états possibles de chacun de ses "sous-systèmes".

En physique classique cette image est vraie, pas en quantique ...
Conséquence directe
Si on reprend l'exemple de notre système intriqué dans l’état Ψ1+2 = A⊗C+3B⊗D et que l’on effectue une mesure sur le 1er "sous-système", on obtiendra aléatoirement A à 10% et B à 90%. Mais, à l’issue de la mesure :
• si on obtient A, l’état du 2eme "sous-système" prendra obligatoirement la valeur C
• si on obtient B, l’état du 2eme "sous-système" prendra obligatoirement la valeur D
Dans cet exemple particulier, on a une corrélation totale.
👉 Pour un système intriqué, les résultats de la mesure sont corrélés.
Un autre exemple de corrélations ➿

Ψ1+2 = Rouge⊗Jaune + Bleu⊗Vert
- A gauche, on a aléatoirement 1 chance sur 2 d'avoir ROUGE ou BLEU.
- A droite, on a aléatoirement 1 chance sur 2 d'avoir JAUNE ou VERT.
- Si on a BLEU à gauche, on a toujours VERT à droite, et réciproquement.
- Si on a ROUGE à gauche, on a toujours JAUNE à droite, et réciproquement.
Définition Wikipédia
En MQ, l'intrication ou enchevêtrement quantique, est un phénomène dans lequel deux particules - ou groupes de particules - forment un système lié et présentent des états quantiques dépendant l'un de l'autre quelle que soit la distance qui les sépare. Un tel état est dit « intriqué » parce qu'il existe des corrélations entre les propriétés physiques observées de ces particules distinctes : cet état semble contredire le principe de localité. Ainsi, deux objets intriqués O1 et O2 ne sont pas indépendants même séparés par une grande distance, et il faut considérer {O1+O2} comme un système unique. Cette observation est au cœur des débats et discussions philosophiques sur l'interprétation de la MQ. Elle est en effet contraire au principe de réalisme local défini par Albert Einstein.